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jeudi 8 février 2007





Intelligence economique: quoi?

Mediatisée depuis 1994 (rapport Martre) , l'IE do
nne l'impression de piétiner en se limitant (pourquoi donc?) à trois pôles intéressants mais non exclusifs: secret (surtout technologique) , veille concurrentielle, lobbies.

Il faut sans doute reconnaître que, sauf exceptions, l'IE n'est pas un métier spécialisé, mais une exigence inhérente à la pratique normale du management public et privé. Toutes les fonctions de l'entreprise (approvisionnement, technologie, production, marketing,distribution, logistique, finances, DRH etc...) , tous les postes de travail, du chauffeur-livreur au PDG, sont concernés par la sécurité, l'observation de l'environnement, les techniques d'influence. Les résultats souhaités de l'IE sont le fait non pas d'un individu privilégié mais d'une action collective et permanente. La faiblesse d'un seul maillon peut ruiner un édifice de vertus managériales.

Dans les faits, l'IE est pratiquée depuis assez longtemps, sous d'autres noms, au moins depuis le début des Trente Glorieuses lorsque les misssions de productivité ont introduit en France les méthodes du management américain (marketing, benchmarking etc...), largement popularisées depuis par les cursus de MBA. . Voir par exemple l'excellent petit livre de J.Alloche et G.Schmitt sur l'évolution des outils de décision stratégique (la Decouverte) , ou le rapport sur les techniques de prévision rédigé pour l'OCDE en 1973 par E.Jantsch, ou encore chez les militaires l'abondante littérature de la fin des années cinquante sur la guerre psychologique et les réseaux .

Ce que nous avons récemment appris dans nos stages n'est pas franchement nouveau. Il ne suffit plus aujourd'hui d' écrire des vers nouveaux sur des pensées antiques, mais de se demander de quoi s'agit-il exactement. Probablement de connaître et prévenir les risques qui menacent la sécurité et la performance de l'action publique ou privée.

Parmi ces risques, il faut bien sûr repérer ceux qui font l'ordinaire des conférenciers de l'IE: détournement de technologie, contrefaçon, destabilisation du personnel ou de l'image ...Mais il n'est pas sage de se limiter à ces risques là, qui ne sont pas forcément les plus desastreux. Par exemple, si la technologie joue bien un rôle dans les affaires industrielles (et l'espionnage économique) les grands plantages du dernier demi-siècle ne s'expliquent nuellement par cela mais par la surestimation moutonnière du marché (bulle immobilière en 1986, bulle Internet en 2000, endettement de l'Amérique latine dans les années 80, crise de l'Asie du Sud Est...) donc des risques qui combinent la nature des choses (conjoncture) et une certaine psychopathologie du management.

* Les risques financiers : excès ou insuffisance de liquidités, défaut de paiement, spéculation boursière sans fondement réel...


* Les risques politiques : changement de politique économique, ou de legislation, système judiciaire et policier, privatisations ou nationalisations, effondrement d'un système donc d'un marché (Union soviétique...), évolution d'un système ("communisme de marché" chinois)...


* Les risques sociaux: troubles civils majeurs, dégradation des relations sociales, déviance et criminalité


*Et, de plus en plus, les risques naturels: dont les humains sont les victimes et parfois les acteurs : climat, épidémies, naufrages, catastrophes diverses parfois prévisibles.

Depuis une bonne vingtaine d'années, la littérature sur les risques s'est considérablement développée (chercher « risques » à partir de http://www.geoscopies.net/index.php) , s'ajoutant à la littérature du management d'excellence qui ,elle, suppose presque toujours des conditions optimales.


Ce management d'excellence est bien sûr hautement souhaitable mais cela ne protège pas de risques bien plus larges que ceux que nous propose l'intelligence économique telle qu'elle est enseignée aujourd'hui.

Intentionnelles ou non les causes de risques sont le plus souvent d'origine externe. Mais il faut les pressentir en interne afin de les éviter si possible. Il existe pour cela des métiers généraux (risk assessment ) et surtout des métiers spécifiques: analystes financiers, analystes crédit, analystes écologie etc...Les professionnels de l'intelligence économique gagneraient sans doute beaucoup en incorporant les champs et les méthodes de ces confrères souvent très qualifiés.


Une cause inattendue de risque majeur provient de la direction de l'entreprise. Incompétence ou arrogance dans l'estimation des risques et de la capacité de l'entreprise à y faire face; cupidité personnelle (abus de biens sociaux, corruption, délits d'initié, rémunérations et stock options pharaoniques); incertitude dans la loyauté envers l'entreprise, a fortiori envers une entreprise enracinée dans un terroir; entremêlement des liens financiers avec des intérêts contradictoires siégeant au conseil d'administration. Les exemples d'excès managériaux sont malheureusement innombrables: Enron, Parmalat, Vivendi, Credit Lyonnais etc...); ils sont bien souvent plus destructeurs de valeur que la copie illicite ou le vol d'un secret technologique.

Il est certes délicat de proposer à des salariés de suspecter leur patron. Cependant le « whistle blowing » est parfois recommandé et même imposé par la loi dans les risques à développement pénal comme dans les nouvelles sources de responsabilité écologique, sociale etc...Et on peut penser que la bonne gouvernance interne, les instances d'audit externe, les agences de régulation etc...se développeront rapidement au détriment du caractère sacré du droit de propriété ou de la liberté absolue d'entreprise. .

En matière d'intelligence économique, l'intention originelle est bonne: se prémunir des risques par l'information et la communication. Il s'y est ajouté une touche de protection nationale (par les règles ou par les dépenses publiques) assez compliquée à mettre aujourd'hui en oeuvre dans une économie d'interdépendance mondiale.


Mais les objectifs, les champs et les méthodes sont à réexaminer continuellement en fonction du monde tel qu'il est. L'intelligence , au sens anglais comme au sens français, consiste à en tenir compte.


Quel peut être alors le rôle d'une association de professionnels de l'intelligence économique?Examiner les risques anciens ou nouveaux et les moyens d' y faire face.

Sans doute élargir le champ des dangers surveillés parce que la réalité est bien là et elle change très vite la vie des entreprises publiques ou privées , plus généralement des institutions en place, marchandes ou non, mais qui ont une incidence sur la vie collective.

Bien entendu, personne ne dispose d'une méthode certifiée pour évaluer ces risques.Un moyen modeste consiste à balayer périodiquement le champ des risques accidentels, délictuels ou systémiques. A y repérer « les petits faits porteurs d'avenir », à les ordonner pour qu'ils produisent des significations (le poison n'est pas dans le produit mais dans la dose ou la répétition) , et à en informer qui de droit, ne serait-ce que les adhérents d'une association.

Un simple carnet collectif (blog) peut servir de support. Si, pour une raison ou une autre, l'effort collectif n'est pas envisageable, une petite minorité peut rendre ce service.

Si ce n'est vraiment pas possible, cela n'empêchera pas le monde de tourner et les continents de dériver, peinards...


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